Des blogs qui ne servent à rien !
Je suspens l’écriture de mon actuel article sur ma pathétique vie pour faire part d’un coup de gueule qui va me classer dans la catégorie « vilain petit canard » de la blogosphère. Déjà, j’annonce que je suis consciente qu’un blog s’apparente un espace de liberté ouvert à toutes et à tous (Wahou, avec un discours pareil on croirait que je veux me présenter aux présidentielles !), qu’on peut écrire sur n’importe quoi et n’importe qui dans le respect de la loi. Donc je respecte tous les bloggueurs (enfin presque … ne nous grillons auprès de la communauté toute entière) mais je ne comprends pas forcément les lecteurs. Je m’explique. De temps en temps, j’apprécie partir en exploration via la page d’accueil d’over-blog afin de consulter les sites classés dans les cinquante plus visités de la plate-forme : cela me donne des idées ou me permet d’observer les designs les plus innovants. Parmi ces blogs, je considère certains comme de petits bijoux d’humour, de réflexion, ou d’information. Je pense par exemple à Nicolin qui s’arrête prochainement, à Deligne dont les caricatures d’actualité résument en 3 coups de crayon une situation complexe, Line qui nous fait partager ses goûts artistiques et des informations insolites, ou encore Nina, la pétillante journaliste qui raconte ses (nombreuses) expériences sentimentales et sa quête du premier emploi. Derrière ces espaces virtuels, je devine un véritable travail de l’auteur, une réelle implication et je comprends donc la raison pour laquelle ces personnes attirent autant de visiteurs. Ils construisent sur la durée un ensemble de pages cohérentes qui s’inscrit dans l’objectif de donner du plaisir en s’amusant. Je partage cette vision de ce loisir, écrire pour soi est passionnant, écrire en ayant la chance de rencontrer la critique d’inconnus de tous horizons apporte un réel échange, beaucoup de satisfaction et l’espoir de s’améliorer.
Par contre, je n’arrive absolument pas à saisir le succès de certains sites personnels complètement dénués de créativité (Non ! Je ne suis pas jalouse !). Ainsi, je me lance dans l’épluchage du top ten d’hier, c’est parti, je ne citerai pas de noms pour ne blesser personne mais ils se reconnaîtront évidemment. Le premier sur lequel je clique ressemble à la compilation d’un site d’humour avec des blagues potaches postées au jour le jour. Les textes sont des copies, les images sont des répliques souvent signées par le véritable auteur, bref je ne constate aucune volonté de fabriquer un article avec ses propres neurones. Quel dommage et quel manque de confiance en soi, quand on pense qu’avec la démocratisation d’Internet nous possédons enfin la possibilité d’exprimer l’individu qui est en soi et de crier au monde sa vision des choses. Je ne manifeste aucune animosité envers le ou la tenancière de ce lieu, loin de là, mais je ne parviens pas à m’expliquer son succès qui à mon sens s’apparente à de la contrefaçon. Quel est l’intérêt de publier des pages sans âme ? Jubiler devant la multiplication des zéros au compteur du nombre de visites … certaines personnes se contentent de peu et n’ont aucune estime pour elles-mêmes : sans aucun doute, elles pourraient devenir aussi pertinentes en se donnant la peine et le temps de réfléchir.
Ensuite, je remonte un peu le classement et je consulte le podium : la médaille d’argent se révèle fort sympathique pour faire partager des moments entre amis, mais pour le grand public, je considère l’intérêt extrêmement limité. Bien sûr, diffuser des photos de son jardin, de sa nouvelle machine à laver ou bien faire l’étalage quotidien du menu du dîner passionne certainement les analphabètes, mais pas moi, j’ai besoin de sentir le cœur et les tripes de l’auteur derrière les pixels de mon écran. Au départ, en tant que voyeuse chronique je m’autorisais le plaisir masochiste de m’intéresser à la vie (ennuyeuse) de ce couple mais la lassitude gagne mes paupières au-delà de deux articles consécutifs (qui semblent pourtant bien courts). Pour moi, c’est tout ce qu’un blog ne devrait pas être, c’est la négation de l’intérêt, le chef d’œuvre du néant.
Je poursuis mon périple par le résumé journalier des « feux de l’amour ». Qui s’intéresse à ce genre de conneries télévisuelles ? Regarder ce soap opera affligeant de lenteur, ça passe encore, mais lire la description des épisodes précédents relève du véritable supplice. D’ailleurs, les intrigues traînent tellement en longueur que si je me prive pendant six mois de télévision, je reste capable de comprendre l’histoire : Nicky, l’ex-épouse de Victor Newman, la mère de la petite Victoria, couche avec Jack Abott, le frère d’Ashley, l’ex de Victor, sans oublier Cricket, l’avocate, qui s’envoie en l’air avec Paul sous le regard désapprobateur de Nina … Oui, j’admets, je fais acte de repentance : mes grands parents m’ont forcé à regarder lorsque j’étais petite, ils m’ont ligoté au fauteuil et j’ai subi d’énormes sévices, je connais tous les noms par cœur, Raaa Mme Chancelor, sors de mon cerveau, tu me pollues l’esprit ! Donc je reprends, je croyais que les blogs se destinaient à un public de jeunes adultes à la mode, accros aux nouvelles technologies, je n’aurais jamais cru que cette population puisse être aussi accro aux élucubrations d’une vingtaine d’Américains enfermés dans leur rôle et dans la même pièce sombre depuis plus de 20 ans. Non seulement le blog de ce feuilleton fait un véritable carton mais je viens à peine de constater qu’un autre site s’est créé avec exactement le même thème, et lui aussi se classe dans l’élite. Incroyable, je fonce appeler mes grands-parents, avec une telle nouvelle je suis sûre que dès demain ils vont harceler le vendeur de Darty pour s’offrir un ordinateur dernier cri avec une connexion ADSL. Sinon, je soumets une petite idée à un jeune qui souhaite rencontrer le plébiscite d’une bande de lecteurs passionnés : créer le blog de Derrick, tel qu’on est parti ça risque même de marcher.
Allez, je me motive un peu, je me dis que je n’ai pas eu de chance jusqu’à présent. Je choisis de faire confiance au hasard et celui-ci fait très mal les choses puisque je tombe nez à nez avec un affreux sac rose et blanc, symbole du nouvel endroit branché pour les jeunes filles vieilles : le site de la broderie et du point de croix avec en prime des prix affichés clairement et l’adresse d’une boutique, étonnant pour un espace réservé aux particuliers.
Bilan, moi qui me considérait comme une vieille conne il n’y a pas si longtemps, me voilà complètement rassurée sur mon état mental et je me trouve réellement très jeune d’esprit tout à coup. Le premier homme qui me demandera de lui tricoter une paire de chaussettes confortablement installée devant un épisode des feux de l’amour, et bien je lui fous la machine à laver dans la tronche, et j’en profite pour faire une photo, un tas de visiteurs du dimanche trouveront génialissime l’idée de faire l’éloge de l’électroménager.
Je me doute que je vais recevoir une pluie de critique, moi aussi il m’arrive de reprendre des textes mais très exceptionnellement et puis j’ai souvent l’impression que beaucoup de lecteurs survolent complètement les posts, appelés par une boulimie de consommation de pages Internet. Je ne m’étonne finalement plus que la télé poubelle fonctionne aussi bien.