Le défilé de cons
Déjà tôt dans la matinée, les ondes lumineuses pénètrent avec insistance les orifices de mes jolis volets verts. Elles s’ingénient à détruire sournoisement l’obscurité ambiante en se propageant, selon un modèle ondulatoire et rectiligne, en direction de mes paupières closes dont la fine membrane cutanée ne peut repousser la puissante énergie. Aujourd’hui encore, le soleil gagne son quotidien duel contre mon sommeil et me force à pousser un bâillement digne de faire frémir mes chers voisins. Toujours l’œil gauche, toujours, puis l’œil droit, puis une petite caresse sur le sensible bouton de la radio afin d’entamer mon check-up par la vérification de la non-altération de mon sens auditif. Nirvana crache son venin dans le poste mal réglé et les parasites donnent un côté encore plus grunge à « Smell like teen spirit ». Je me sens dans l’esprit d’une adolescente ce matin : déjà fatiguée de me lever, de mauvais poil, chiante, rebelle, bref une tête à claque, surtout après avoir croisé furtivement mon reflet dans le miroir.
Je me lève, je ne te bouscule pas car mon lit semble désespérément vide, j’enfile un grand T-shirt blanc, j’avale quelques dizaines de centilitres de jus d’orange aptes à dynamiser ce corps mou dans lequel mon cerveau a pris place, et enfin j’allume machinalement la télévision dont je ne peux me passer. TF1 : défilé du 14 juillet ; France2 : défilé du 14 juillet … Pffff, c’est parti pour une jolie propagande nationaliste et une garden party présidentielle destinée à dynamiser une communication chiraquienne défaillante. Regardez donc tous ces membres du gouvernement fiers comme des paons, au garde à vous, ravis de passer quelques secondes supplémentaires dans le petit écran. Ils s’exclament, s’enchantent de regarder ces bataillons, ces chars, ces Jeep, ces hommes parcourir une avenue occupée quelques jours auparavant par des régiments de footballeurs du dimanche.
Je ne supporte pas cette tradition républicaine consistant à faire défiler les troupes militaires sur les Champs-Elysées chaque 14 juillet. Que veux-t-on prouver par cette manifestation ? Que
Franchement, cela ne vous choque-t-il pas d’observer au premier plan des polytechniciens maniant le sabre et marcher devant les citoyens et le Président avec pour image de fond un arc de triomphe étincelant ? Moi qui pensais que le 14 juillet célébrait une fête républicaine, symbole du renversement de la monarchie par le peuple, symbole de la prise de pouvoir des sans culotte sur la noblesse et donc sur l’armée. Que nous vend on ? Un protocole digne de l’Empire, avec tous les emblèmes d’un pouvoir dictatorial concentré dans les mains uniques d’un maniaque assoiffé de pouvoir. En fait, je vais nuancer un peu mes propos : la célébration de cette fête nationale résulte d’un mixage entre des traditions napoléoniennes vieillissantes et la sublimation d’un contingent militaire digne des pratiques russes du temps de la guerre froide.
L’exaspération me gagne lorsque je constate ces milliards d’euros prélevés sur le budget national et gâchés pour entretenir un puits sans fond. Notre armée vit par l’intermédiaire du culte de gloires passées, elle est old-school, insuffisante pour défendre le pays, je la trouve ridicule lorsqu’elle s’apparente à un rassemblement de majorettes lançant haut le bâton et trémoussant leurs fesses au son de la trompette. D’ailleurs, cela rejoint les événements de la semaine et en particulier la cérémonie honorifique destinée à la mémoire du capitaine Dreyfus. Sachez qu’un siècle après cet abominable lynchage antisémite par l’institution militaire, l’armée refuse toujours la mise en place d’une statue à l’effigie de cette victime d’un complot car « elle n’a pas vocation à célébrer les erreurs du passé ». Elle ferait mieux de se regarder en face et de se rendre compte qu’aujourd’hui les impôts des Français servent à entretenir à grands frais des parades et des états-majors de paillettes et de pacotille. Vivement que les politiques prennent réellement conscience de l’importance de la mise en place d’une armée européenne unique, d’un armement commun et d’objectifs compatibles. La fusion est le prix de l’efficacité, la réforme en est le moyen. MAM démission !
PS : Non, je ne reprends pas le blog, c’était juste comme ça, pour le fun.