Pourquoi faut-il toujours se justifier de ne pas boire (d’alcool) ?

Publié le par Mel

Samedi soir, 19h02, Roberto conduit la voiture qui nous mène à Antibes Les Pins. Christophe, un nouveau collaborateur transféré de Paris nous a chaleureusement convié à sa pendaison de crémaillère. D’ordinaire, j’accepte rarement les sauteries entre collègues en dehors du bureau (et encore !) mais pour une fois, vu son insistance, je tente d’effectuer un pas incertain vers la socialisation. Malheureusement, nous arrivons les premiers, rien n’est prêt et Roberto retrousse les manches de sa belle chemise jaune pour aider en cuisine. J’en profite pour faire un tour discret dans l’appartement et il me plait beaucoup, surtout l’immense terrasse avec une pleine vue sur la piscine de la résidence, l’endroit semble idéal pour observer les voisins pendant l’été … j’adore matter ! Christophe me présente son amie, Vanessa, 32 ans en recherche d’emploi, immense blonde aux yeux bleus qui doit faire chavirer bien des cœurs. D’ailleurs, ce couple est plutôt mal assorti, lui dégarni, petit, sans charme et elle sublime, sexy et avenante … encore des tourtereaux qui ont du se rencontrer sur MeetX ! J

 

 

 

Au fur et à mesure, l’ensemble des convives arrive, j’en connais à peine la moitié et comme je suis toute timide, je me blottis contre le torse de Roberto, je me tais et j’observe. Christophe sort les petits fours, et les bouteilles, l’ambiance commence à monter et il se penche vers moi pour me dire : « Pastis, Martini, Champagne, Passoa, Whisky ? » Super merci, et où sont les jus d’orange, ananas, coca, limonade ? Bien entendu, tout le monde se tait, le regard étonné, rivé sur moi : « Allez Mélanie, tu ne vas quand même pas faire ma gamine, Roberto est là pour te ramener ». Et voilà, je dois encore me justifier parce que je veux rester sobre ! C’est le monde à l’envers ! J’en ai raz le bol des interrogations du type : « C’est un choix de vie ? Tu prends des médicaments ? ». A croire que si je n’atteins pas mes 2 grammes dans le sang au contrôle d’alcoolémie tous les samedis soirs, je deviens complètement has-been. Alors j’ai établi une nouvelle parade, pas formidable mais amusante tout de même : j’explique que j’appartiens à la communauté musulmane (ce qui faux …) que je me considère comme une fervente pratiquante, et que se laisser séduire pas un breuvage alcoolisé s’avère contraire au Coran. L’effet est magique : ça jette un froid dans la soirée, plus personne n’ose m’adresser la parole et je peux déguster mon verre d’eau (huum, l’Evian demeure ma boisson préférée) en toute quiétude.

 

 

 

Pourquoi ne bois-tu pas d’alcool ? Combien de fois par an me répète-t-on cette phrase ? Et toi, pourquoi tu te bourres la gueule à chaque fin de semaine à tel point que tes amis ont honte de toi ? Pour te désinhiber ? Pour oublier ta vie minable ou pour te donner l’illusion d’être un winner ? Je ne supporte plus cette question, alors je vais vous faire la primeur de mes justifications.

 

 

 

Si vous utilisez la machine à remonter le temps de ce cher H.G. Wells et que vous vous dirigez vers la fin des années 90, vous rencontrerez une toute autre Mélanie, moins moralisatrice et surtout beaucoup plus naïve et soumise à la pression de groupe. Au lycée et surtout en prépa, la vie se résumait par : travail acharné toute la semaine (et le dimanche …) et biture démesurée le samedi soir. Il fallait bien compenser et évacuer cette pression infernale qui atteignait son apogée lors de la traditionnelle composition de quatre heures du samedi matin. Ma méthode préférée de décompression s’appelait Vodka pur cul sec, alors une fois l’interrogation terminée, on débutait dans la joie et la bonne humeur la mission « Torchage ». Je me souviens (difficilement) des concours de Téquila Paf, de cette sensation de bien-être, de cette chaleur qui vous envahie, la tête qui explose jusqu’à l’apogée et les litres de vomi rouge qui s’écrasent par petites secousses au fond des toilettes. Je me rappelle encore l’incrédulité du réveil grelottant, à moitié nue, allongée sur le tapis souillé de la salle de bain, la joue droite explosée contre la cuvette des chiottes. Bien souvent, l’abus d’alcool avait effacé en quasi-totalité les souvenirs de la soirée, je parcourais alors les pièces de la maison pour constater des corps endormis, gisant à même le sol ainsi que des dizaines de cadavres de bouteilles disposés aléatoirement. La pire sensation du matin reste ce goût écœurant dans la bouche, acide et amer à la fois, cette soif infinie, cette envie frénétique de jus de raisin sucré et apaisant. Le vrai challenge consistait souvent à partir à la recherche de mes fringues, éparpillés dans l’extase chaotique de la nuit. Il fallait aussi se mouiller succinctement les cheveux qui supportaient mal le contact avec une galette fraîche. Et tous les dimanches matins, à 7h00 pétantes, les croissants en poche, mon père garait en toute confiance la voiture devant le portail de la maison de mon ami et je le rejoignais en toute discrétion, avec cette hypocrisie mêlée d’innocence qui reflète le marque de fabrique de nombreuses d’adolescentes.

 

 

 

Un jour, à la saint sylvestre, un de mes camarades m’a filmée pendant toute la soirée : l’apéritif, le repas, les remplissages de verres, les concours, la chaleur qui monte et l’absence de contrôle. Je n’avais aucun souvenir de cette nuit là et un jour ce traître s’est amusé à diffuser le contenu de la cassette sur le réseau de mon école. J’étais atterrée, je ne me reconnaissais pas et j’avais l’impression d’observer une pitoyable inconnue : sous l’effet de l’ivresse j’allumais tous les gars, je me laissais dévêtir, tripoter, manipuler sans broncher, avec plaisir presque. Je revois encore cette scène dans laquelle un groupe me jettait sous le jet glacé de la douche pour me réveiller, pour que je revienne à moi, ils craignaient que je sombre dans un coma éthylique. Quelle horreur, mon corps frisonne encore sous l’effet de cette pensée désastreuse. Alors, depuis ce jour là, je ne bois (presque) pas et du moins jamais par plaisir, et je m’amuse beaucoup moins durant les soirées mais je préfère nettement l’image que je véhicule.

Publié dans Moi

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F
Je crois que je n'aurais pas pu mieux le dire: c'est très exactement ce que je ressens.<br /> Lors de mon avant dernière rupture, je sortais et buvais pour me sentir mieux et oublier. Je me réveillais la nuit en sueur et avec un mal de ventre insupportable. Depuis j'ai décidé d'y aller mollo. J'apprécie un bon cocktail de temps en temps, ou un bon verre de vin, mais boire pour boire, c'est plus mon truc. Et t'inquiète pas, on n'est pas les seules :) <br /> J'ai toujours détesté les personnes qui te jugent en deux secondes à cause de ça: pour moi elles ne sont pas dignes d'intérêt. Bises
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M
"Et t'inquiète pas, on n'est pas les seules :) " : Ca ne le gene pas d'etre la seule, j'aime bien me differencier du groupe ! ;-) Bises.
E
Bof...ça m'a jamais rien dit...donc je me serai forcée, donc ça n'aurait pas été un bon moment...
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M
Tu as raison ... il ne faut pas se laisser influencer !
R
Mel, à la relecture je trouve mon dernier commentaire pas drôle du tout.<br /> Je te prie donc de m'excuser.<br />
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M
Il n'y a pas de mal mon cher Romain ...
E
Bon moi j'ai une grande tare: je bois pas d'alcool (à noter que je fume rien non plus je cumule les tares...). J'aime pas le goût alors jvois pas l'intérêt de me forcer à boire un truc dont j'aime pas le goût et qui généralement vaut cher. J'ai goûté et je goûte encore les alcools quand on me propose mais c'est définitif j'aime pas le goût...alors quant à la réaction des autres, moi jfais même plus vraiment gaffe, mes amis savent ce qu'il en est toute façon ils boivent pas trop non plus et pas à toutes nos soirées. <br /> Après certains sont insistants...bon c'est lourd...mais j'ai réussi à traverser l'adolescence sans me pochtronner et sans fumer, autant dire que les relous j'y ai eu le droit...des fois au bout de la dixième fois je réponds un peu séchement...jvais quand même pas me pochtronner pour faire plaisir à d'autres, c'est pas mon concept de bonne soirée!<br /> <br /> Sinon donc moi j'ai jamais été bourrée, des fois jme dis que j'aimerai bien aimer un peu l'alcool par exemple pour agrémenter un bon plat avec un bon vin parce que bon chui Française quand même! :) mais me bourrer la gueule ça je pourrai pas, pour les dites-raisons citées dans ton article, préfère me souvenir des choses et garder un tant soit peu le contrôle...<br /> <br /> Bon désolé ce comm est un peu fouilli... :)
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M
"mais j'ai réussi à traverser l'adolescence sans me pochtronner et sans fumer," : t'as rate de bons moments quand meme !
R
on pourrait dire ceci:<br /> qui se souviendra de mickael Youn dans 20 ans ?<br /> Peut-être les femmes qui en l'an 2000 se torchaient le samedi soir pour oublier leur mal être (quelles étaient obligées de cacher les jours ouvrables dans un souci de paraître...).<br /> Et encore ...
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M
Mais qu'est-ce que vous avez contre Mickael Youn ? Il est tres drole !