Gaugaulle mania

Publié le 23 avril 2006 par Mel

Les Français et les hommes politiques dans leur ensemble sont nostalgiques du général de Gaulle, la télévision nous a même sorti un feuilleton retraçant sa vie dernièrement. Après la popularisation de Napoléon et Jaurès voici de Gaulle ou « comment j’apprends aux cons à se cultiver ». Parce que c’est bien connu, c’est en restant le cul assis sur son canapé qu’on apprend l’histoire de France. A quand « L’histoire de France pour les nuls » ? Et bien je suis en mesure de vous affirmer que cet ouvrage existe déjà, à croire que certains de nos concitoyens ont séché pas mal de cours durant leur scolarité. Il me semble pourtant essentiel voire indispensable d’apprendre comment notre Nation s’est formée, a évolué, comment la République est née et pourquoi elle est devenue aujourd’hui cette usine à gaz administrative regroupant 3 parlements et tellement d’élus que des lois inutiles sont votées quotidiennement et jamais appliquées. Enfin, en ce début de troisième millénaire, il s’avère à la mode de se réclamer du mouvement gaulliste, de prétendre défendre la grandeur de la France à travers le monde, bref il paraît plus facile de surfer sur un sentiment de nostalgie de la période « trente glorieuses » que de trouver des solutions à la crise actuelle. Si les politiques avaient des idées d’avant-garde nous le saurions, autant demander directement l’avis d’anonymes pour constituer un programme présidentiel, c’est ce qu’on appelle du populisme ou bien se foutre royalement de la gueule du peuple …

Toujours est-il que selon les rumeurs, Chirac serait gaulliste, je reste consternée devant cette affirmation suspecte. En effet, en vieillard pathétique ne comprenant pas la jeunesse, il tient bien son rôle (je ne comprends pas pourquoi les jeunes ont peur de l’avenir avait-il déclaré lors d’un débat télévisé, ces propos me choquent lorsqu’ils sortent de la bouche du représentant du peuple français, il constitue simplement notre porte-parole, nous sommes ses patrons, il doit se tenir à l’écoute de nos préoccupations et s’extraire de sa bulle aristocratique pour avoir la possibilité de planifier l’avenir), mais au lieu de démissionner après une claque électorale, le corrézien met son honneur dans sa poche, il se défile et se terre dans son palais parisien. Combien s’est-il pris de vestes pendant ses deux mandats présidentiels ? Une lors de la dissolution de l’assemblée nationale en 1997 suite à un excellent conseil d’un certain Dominique de Villepin (comme quoi ça paye les bourdes en politique), une deuxième lors des élections régionales et de la vague rouge et puis la dernière en date concerne le référendum sur la constitution européenne, pavé infâme que personne n’a lu. Pourtant le « Non » a fait son trou parce que « tout de même il a une bouille franchement sympathique ce petit facteur de Neuilly et puis mince alors, avec l’Europe ça va délocaliser encore plus » … Que ne ferait-on pas avaler aux ignares pour gagner une élection, les ouvriers du textile feraient mieux de s’inquiéter de l’émergence des pays asiatiques plutôt que de s’égosiller face au dumping social des pays de l’est. Bon, après trois échecs politiques personnels importants, le président de la République ne possède plus aucune aura, plus aucune poigne et légitimité pour diriger un pays à la dérive, mais il s’accroche à son trône pour terminer ses jours en vieux retraité à l’air libre, la chanson « Chirac en prison » l’effraye certainement beaucoup. Pour un soi-disant gaulliste il traîne tout de même un bon paquet de casseroles, qui s’étalent des emplois fictifs aux HLM de Paris en passant par des frais de bouche hallucinants. De Gaulle, lui, payait au moins ses factures personnelles et ne s’engraissait pas sur le dos des contribuables.

Et pourtant je n’aime pas de Gaulle ! (c’est dire de Chirac …) Pour écrire cette simple affirmation je demeure dans l’obligation de rester incognito, le général est tellement devenu un personnage culte qu’oser le critiquer s’associe à une véritable déclaration de guerre envers la dignité de la France. Pourquoi les Français aiment-ils de Gaulle ? Pour la Résistance , pour l’appel du 18 juin, pour notre liberté retrouvée, etc. J’acquiesce, il fut un brillant stratège, un valeureux militaire, je ne reviendrais pas sur ce point, mais Pétain aussi a eu son heure de gloire durant la première guerre et pourtant personne n’oserait complimenter son action publiquement. De Gaulle possède ce côté « Travail, Famille, Patrie » caractéristique des gens qui sacrifierait tout pour la domination de leur pays. Je n’aime pas qu’un militaire prenne le pouvoir et pourtant la France d’en bas adore les hommes à poigne, autoritaires et grandes gueules, ceux qui affirment avoir tout le temps raison et qui sont prêts à sacrifier les libertés individuelles par souci d’une plus grande sécurité. Voyez le succès de Sarkozy ou de Le Pen, leurs idées se résument à mettre un flic derrière chaque français, à se refermer, à se méfier des autres, à tout contrôler, même notre façon de penser et beaucoup de mes concitoyens sont soit masochistes soit dans le besoin d’être maternés par des lois strictes, ils ont peur du débat, de la réflexion, des idées nouvelles et préfèrent s’enfermer dans une certitude illusoire mais rassurante. Donc les officiers de l’armée représentent cette autorité et semblent plébiscités à la tête des gouvernements dans nombre de pays et le résultat se traduit bien souvent par un désastre, ces types ont la gâchette plus facile que la répartie. Par ailleurs, au-delà de ce défaut de carrière, de Gaulle est pour moi un homme têtu, parlant de lui à la troisième personne, imbu de lui-même, sans diplomatie mais pourtant hypocrite, menteur. Souvenons-nous du 4 juin 1958, du haut du balcon du gouvernement général d’Alger, les bras en V, il lance à la foule qui exulte le célèbre « Je vous ai compris » et ajoute même « je prends acte au nom de la France et je déclare, qu’à partir d’aujourd’hui, la France considère que, dans toute l’Algérie, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants : il n’y a que des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs ». En fait, ce discours aurait du être interprété par « Je vais tous vous entuber » et les Français d’Algérie ont réalisé la perfidie du général lors de la signature des accords d’Evian en 1962. Il leur a laissé croire qu’il adhérait à leur programme d’intégration de l’Algérie à la France , il a manipulé l’opinion publique.

De plus, on oublie bien souvent que lors des événements de mai 1968, le chef de l’Etat c’est lui ! Alors que les syndicats déclenchent une grève générale et défilent avec les étudiants (ça me rappelle quelque chose, Villepin est peut-être Gaulliste finalement …), une foule d’un million de personnes envahit Paris et crie « dix ans, ça suffit ». Ce sont les mêmes qui aujourd’hui sont devenus nostalgiques, mais certainement plus de leur jeunesse débridée que d’un président autiste. Pendant ce temps là, de Gaulle voyage en Roumanie, les manifestants ne troublent pas outre mesure son emploi du temps et à son retour il annonce fièrement : « La réforme oui, La chienlit, non » mais la chienlit c’est lui ! Buté, il veut maintenir l’ordre à tout prix, il prononce un discours vigoureux : « je ne me retirerai pas … je ne changerais pas de premier ministre … je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale ». Bref, la jeunesse a voulu évacuer ce vieux ringard convaincu de sa supériorité pour avancer vers la modernité, pour évoluer vers la libéralisation des médias, de l’école, pour se sentir libre dans une France sans censure et ouverte au dialogue. Alors pitié, lâchez moi avec de Gaulle, il est mort il y a 37 ans, ne me parlez plus des valeurs gaullistes et de ses représentants, je ne veux pas régresser et j’aspire à un monde meilleur, je me tourne vers l’avenir.