Melamoi
Les bouquets d’hortensias bleus laissaient découvrir l’océan tout proche, dont la couleur bleue azur s’harmonisait parfaitement avec les voiles blanches et rouges des bateaux. Contournant la plage de sable jaune, une belle prairie se distinguait au premier plan. Allongés nus dans l’herbe haute, deux amants sommeillaient lascivement. Dès que j’appuyais sur le power de mon ordinateur, ce fond d’écran apparaissait et me permettait de m’évader pendant quelques instants de bonheur. Après avoir repris mes esprits et frottés mes yeux torturés par une fréquence de rafraîchissement d’à peine 75 Hz, je tapais machinalement sur le « e » bleu de la barre des tâches pour enfin me connecter au monde entier. Où aller ? Je n’en savais rien, peu importe, dirigeons-nous vers n’importe quelle adresse et la fibre optique me conduira toujours dans un site inconnu, plein de soleil, de joie et de gaieté. Ainsi arrivais-je avec une certaine excitation au lieu dit « melamoi.com ». Dans ce coin de paradis paradaient de beaux paons et de belles grues, mettant toujours en valeur leurs plus beaux atouts. Les nouveaux restaient dans un coin tranquille, observant avec ardeur les échanges amoureux des plus éloquents. La difficulté résidait essentiellement dans l’apprentissage d’un nouveau langage destiné à filtrer les « in » des « out ». Le protocole de discussion démarrait souvent par un « bjr » suivi obligatoirement d’un « asv », et se ponctuait généralement par une formule de politesse locale : « ta msn ». Désireuse de m’acclimater rapidement à ce chatoyant environnement, je soigna mon apparence et fut accostée en un éclair par trois jeunes mâles en rute, peu éloquents mais extrêmement explicites. Ces autochtones n’avaient encore jamais rencontré de femelle si bien qu’ils semblaient tiraillés par de nombreuses questions légitimes : « passions ? », « célibataire ? », « tour de poitrine ? », et le traditionnel « tu veux matter ? » synonyme en langage soutenu du fameux « ta msn ». Amusée par ce vocabulaire et ces manières primaires, j’avais très envie de découvrir le mode de vie de ces hommes préhistoriques ; on n’a pas si souvent l’occasion de voyager dans le temps. En bonne provocatrice, je répondis donc par l’affirmative à leurs propositions indécentes. J’eu ainsi la chance de constater, par l’intermédiaire d’une « webcam » (objet de dialogue indispensable aux melamiens qui permet de se visualiser grâce à une image de qualité médiocre) que les livres d’histoire ne mentent pas : les homo erectus vivaient effectivement complètement nus dans de petites grottes (dans lesquelles nous pouvons observer un sacré bordel !) et aimaient affûter leur lance avant de partir en chasse. Evidemment, pour ne pas leur causer un choc émotionnel, ils souhaitaient qu’on s’adapte à leurs coutumes ancestrales, en s’habillant dans des tenues similaires aux leurs (soit rien …). Une fois tous mes vêtements complètement ôtés, les melamiens rentrèrent dans une phase de transe, poussant de petits cris jusqu’au brame final, cri grave et impressionnant concluant le rituel.
Quelques temps passèrent et je décidai de retourner voir mes sympathiques amis de « melamoi.com ». Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvrir avec stupeur que la population melamienne s’était éteinte ! Suite à leurs rencontres sexuelles virtuelles, les habitants de melamoi.com s’étaient désocialisés, ceci entraînant à la fois un grave déclin démographique et une grande phase de dépression pour chacun d’entre eux, en proie à une pathétique solitude.
Bilan : Sautez sur le (la) premier(e) venu(e), vous avez autant de chances que de faire une belle rencontre sur melamoi.com.